Quentin Richaud, détective télécinétique
S-01

 
87 pages (ce récit fera l'objet d'un livre de 274 pages en format 14,8 x 21 cm).
Synopsis: Un détective privé se retrouve pourvu d'un pouvoir extraordinaire qui l'aidera dans sa croisade contre un dangereux criminel en puissance, possesseur du même don…
 
 

Février 2011. Brugatin est un petit village des Alpes de Haute-Provence situé sur la départementale 5, entre Forcalquier et Banon. Cette commune de 800 habitants recèle bien plus qu’un secret. Ce soir-là vers 20 heures, Quentin Richaud marche sur un chemin en bordure de route. Il a 37 ans, est de taille moyenne avec une corpulence moyenne aussi. Son physique banal, n’accroche pas forcément le regard, il a des cheveux courts et bruns, un visage ovale et des yeux marron. Il se préserve du froid hivernal avec un blouson marron doublé de laine, un pantalon sombre et des bonnes chaussures de marche. Si les villageois ne le connaissaient pas, personne n’aurait su qu’il est détective privé. Il se rend à la seule usine des environs. "Avenir Production", le nom que tout le monde connaît, est inscrit en jaune sur la grande enseigne en fond vert. Le policier privé a rendez-vous avec Félix Dorlan, le PDG de la société, à cette heure tardive pour une raison qui lui est inconnue pour l’instant. Les lieux sont déserts et, c’est sûrement pour cette raison, les ouvriers étant rentrés dans leurs foyers, que le patron l’a convoqué à ce moment. C’est Félix Dorlan, lui-même, qui vient l’accueillir. Il a une grande stature qu’il tient bien droite, comme pour affirmer qu’il s’est élevé tout seul et en est fier. Son visage buriné et ridé ainsi que ses cheveux blancs dévoilent le nombre d’années de cet homme de 78 ans. Il a un nez en patate et des yeux gris et c’est avec un costume de même couleur qu’il porte aujourd’hui qu’il vient lui ouvrir à la porte de l’accueil. Quentin n’a vu qu’une seule personne en arrivant, le gardien de l’entrée. Le PDG salut le détective, le fait entrer et le mène jusque dans son bureau situé en sous-sol, en utilisant un ascenseur. Une fois les deux hommes entrés dans le local sécurisé, Félix l’invite à s’asseoir et commence à parler :
« - Quentin, votre réputation n’est plus à prouver, à Brugatin. Aussi, c’est à vous que j’ai envie de confier une mission délicate. Vous n’avez vu qu’un garde de sécurité ce soir, habituellement, il y en a quatre. J’ai moi-même restreint cette surveillance afin que notre entrevue se passe dans le plus grand secret.
- Vous m’en voyez très honoré, Monsieur Dorlan. Mes parents adoptifs vous ont admiré tout le restant de leur vie.
- Ecoutez, pour commencer, vous m’appellerez Félix. Je vous connais depuis que vous êtes gamin, alors arrêtons les chichis.
- Très bien, comme vous voudrez. Pourquoi avez-vous besoin de moi ?
- Tout d’abord, je voudrais savoir ce que vous, vous connaissez de "Avenir Production"? 
- Et bien, c’est l’entreprise que vous dirigez. C’est la seule de ce type au monde parce que personne d’autre au monde n’a le secret pour la culture de la brugate. Et c’est ici, en France uniquement, et à Brugatin précisément que se plante, se cultive, se récolte, se transforme et s’exporte ce fameux fruigume. La brugate est le seul de sa catégorie, car il est composé de tout ce que l’être vivant a besoin pour vivre. Personne ne sait d’où il vient ni la date exacte de sa découverte. Les scientifiques du monde entier se sont déjà penchés sur ce mystère et même les plus grands agronomes n’ont pas appris grand-chose de sa provenance. Je pense, enfin personnellement, que vous et vos ouvriers êtes au courant de certains de ces secrets, mais pour la bonne continuation de cette entreprise et afin de perpétuer la tradition ancestrale, vous gardez ceci précieusement. Le secret, d’ailleurs est très bien gardé et aucun employé n’a, à ce jour, trahi votre confiance. Vous gérez excellemment le budget puisque les bénéfices permettent de renflouer, de temps en temps, les caisses de la municipalité et des primes sont versées aux employés. Tous, sans exception, ne révèleront absolument rien de ce qui se passe en ces lieux. D’une part parce qu’ils sont bien payés et que vous êtes un patron exemplaire mais aussi, ils seraient bannis de Brugatin si jamais ils parlaient à qui que ce soit.
- Oui, cela est ce que tout le monde sait de nous. Il y a aussi le fait que, à cause de leurs mains définitivement vertes, les employés seraient vus d’un mauvais œil par tout nouvel employeur. Il saurait d’où ils viennent. Qu’ils ont travaillé dans un lieu privilégié et qu’ils ont trahi !
- Bon, et où voulez-vous en venir ? Vous pensez que l’un d’eux a parlé ?
- Non, absolument pas, je les crois fidèles et ce n’est pas eux le problème.
- Alors, je suis là pour quoi ?
- Quentin, vous connaissez mon fils unique, Max?
- Oh oui, et tout le monde le connaît que trop bien. Il n’est pas un exemple de bienfaisance.
- Et bien, je regrette à le dire, mais si ma joie est cette usine, ma douleur est belle est bien mon fils. Il se retrouve toujours embarqué dans des histoires peu recommandables. Je n’arrive pas à comprendre qu’il choisisse de fréquenter des malfrats plutôt que des connaissances aux mœurs tranquilles.
- Même s’il a mal été éduqué, par le manque d’une mère ou le temps de vos activités de bienveillance sur le village, il est aujourd’hui responsable de ses actes devant la justice. Vous ne devriez plus vous inquiéter de ses affaires. Il est majeur et vacciné ! Cela lui fait quel âge, à propos ?
- Max a déjà 36 ans. Et je le vois très mal parti pour avoir une vie exemplaire.
- Comme vous ?
- Je ne voulais pas dire çà. Je ne le vois pas revenir du bon côté de la loi, c’est tout.
- Et moi je faisais simplement allusion au mot "exemplaire", qui est cité par tout le monde qui vous connaît au village et au-delà. Sachant que personne, aucun directeur d’entreprise, n’a jamais traité ses employés comme un égal, sauf vous. D’ailleurs, vos ouvriers n’ont jamais eu à se plaindre et ne parlent de vous qu’avec respect et louanges. C’est une autre bonne raison de protéger l’énigme des lieux.
- Oui, je ne me fais pas de souci à ce sujet. Mais revenons à Max.
- Alors, oui, que voulez-vous de moi ? Vous pensez que c’est lui qui vous trahirait en révélant les secrets de votre affaire ?
- Oh, il n’y a aucun risque là-dessus. Je ne lui ai jamais dit quoi que ce soit ni fait visiter l’usine. Le personnel de sécurité reçoit mes ordres à ce sujet. A la mort de sa mère il y a 24 ans, Max n’était qu’un gamin, mais j’ai senti qu’il me rendait responsable du décès de Joséphine. Peu à peu, s’était installé une atmosphère oppressante qui m’enlevait toute la confiance que j’aurais pu avoir en mon fils. C’est pour cette raison, que je ne l’ai jamais mêlé à mes affaires.
- Bon et aujourd’hui, ses agissements menacerait-ils vos affaires ?
- Je n’en suis pas sûr, mais on m’a rapporté qu’il se rend souvent dans la propriété située sur les hauteurs de Brugatin. Vous connaissez la villa Monplaisir ?
- Ah ! Cette vieille masure ? J’y allais traîner quand j’étais gosse. C’était en ruines, et quelqu’un l’a retapé, j’ai vu.
- Oui, quelqu’un l’a entièrement rénovée, il y a un an ou deux. Et il y séjourne depuis peu. Et, à ce qu’on m’a dit, il est trempé dans des affaires louches. Il se fait appeler "Léopard", je crois. Il serait entouré de criminels travaillant pour lui. Donc, j’ai de quoi m’inquiéter actuellement.
- Et vous pensez que lui et votre fils maniganceraient un complot pour vous spolier.
- Je ne vois que cette solution mais, c’est là, que vous entrez en action. Vous allez enquêter en suivant mon fils. Et de un pour voir si vraiment ils sont en affaire. Dans ce cas, je ferais tout mon possible pour les séparer. Et de deux, s’ils complotent contre moi, j’aimerais le savoir, bien entendu. Vous n’imaginez pas le nombre d’individus, scientifiques ou pas, qui tentent chaque année de me dérober le secret de la brugate.
- Alors, je vous comprends. Je vais avoir besoin de quelques renseignements sur Max, ses habitudes, ses préférences, ses déplacements, ensuite, je saurais quoi faire. Pour démarrer mes investigations, vous savez que je demande toujours une avance.
- C’est tout à fait correct Quentin. Et voici mon premier paiement. Un chèque de 5000 euros vous va ? »
 
Le lendemain de son rendez-vous, Quentin se rend au centre des services sociaux de Brugatin. Il espère apprendre beaucoup sur Max Dorlan en cherchant dans son dossier social. Il est accueilli par la charmante Barbara Claverie. C’est une belle jeune femme d’environ 25 ans, de taille moyenne et toujours habillée avec goût. Avec une longue chevelure blonde et ses grands yeux bleus, elle fait tourner beaucoup de têtes. Mais elle est très éprise du détective, et pour cette raison, elle ne lui refuse jamais de regarder dans les classeurs confidentiels. Elle l’admire et rêve de lui comme un Mike Hammer ou un Thomas Magnum enquêtant contre le crime. Quentin épluche les feuillets, bien à l’abri dans un box, et surveillé de loin par Barbara. Il note ce qui l’intéresse au sujet de Max Dorlan, mais aussi sur la personne qui loge à Monplaisir. Ce serait Léonard Pardigan, un type louche que la police n’arrive pas à coincer. Une fois tous les renseignements possibles récoltés, le détective repart, non sans avoir remercié sa ravissante complice.
Chez lui, le détective est assis à son bureau, face à la porte-fenêtre de sa salle à manger et il fait le point de ses résultats. Un plan de la région ouvert à sa droite, il consulte ses notes à gauche. Max naît en 1975. Joséphine, sa mère, meurt en 1987. Il est tardivement diplômé de science économique en 2002. Il a travaillé, quelques mois en 2004, dans le CAB, le Cabinet d’Assurance Brugatinoise. Puis, en 2005, il a été embauché comme commis à la banque Brugatinoise. En 2007, il s’est fait surprendre alors qu’il tentait de détourner de l’argent. Il simplement été mis à la porte sans aucune autre sanction pénale, par égard pour son père vénéré. Max Dorlan est un grand homme brun, il porte la moustache et le bouc, ce qui le fait ressembler à d’Artagnan. Il a un visage au menton pointu, un front moyen et les yeux marron. Aujourd’hui, il n’a aucun travail, vit toujours chez son père veuf. Il est donc logé, nourri et blanchi mais cela s’arrête là de la part de son géniteur. Comme ce dernier ne lui donne aucun argent, Max a sûrement un petit boulot non déclaré car il dépense pour son plaisir sans compter. Il a son permis de conduire depuis l’âge de 22 ans, mais ne se sert pas de la voiture de son père. Le mois dernier, il s’était acheté, pour la dixième fois, une moto qui a fini contre un mur alors qu’il faisait des zigzags. Il se balade avec, à son poignet, une superbe montre Rollex qu’il adore arborer aux yeux de tous. La police garde un oeil sur lui, s’attendant à ce qu’il tombe sous le coup de la loi. Une manie, paraissant tout à fait normale, le conduit tous les mercredis après-midi au "club des ferrophiles". Il va dans ce club, qui rassemble des aficionados de modélisme ferroviaire, afin de "jouer au petit train" qu’il contrôle comme il veut. Une passion qui ne lui coûte pas très cher, puisque la carte annuelle de membre est de 50 euros. Il passe, quand même tous les soirs, prendre un verre au bar de la place du village avec d’anciens camarades. Et pour le reste du temps, on ne sait pas ce qu’il fait. Quentin soupçonne donc Max de gagner illégalement de l’argent et va tenter de découvrir comment.
Le détective a pris sa carte au "club des ferrophiles" et ainsi rencontre Max. Personne, bien sûr, ne reconnaît Quentin qui se grime, pour cette occasion. Il porte des lunettes rondes, un bouc, des cheveux roux et une casquette placée à l’envers pour faire oublier le détective. Il se prénomme désormais Lucien Januero. Le stratagème fonctionne et, très vite, il réussit à parler régulièrement au fils Dorlan. Mais le fils du patron exemplaire ne lâchera pas un mot sur ses activités en dehors du club. Il se méfie trop de tout le monde. Quentin n’aura pas d’autre choix que de le filer. Allant de temps en temps au bar du centre et en changeant, une nouvelle fois, de déguisement, il n’en saura pas plus, puisque Max ne révèle rien, même à ses camarades de beuverie. Il apprendra que son modèle "Datejust" de Rollex lui a coûté pour 7890 euros. Pendant des semaines, Quentin traque sa cible jour et nuit en le suivant dans tous ses déplacements, avec sa discrétion habituelle et ses astuces de détective pour ne pas se faire pincer. Un jour, le détective note une attitude étrange de la part de Max lors d’une visite à la BB, la banque brugatinoise. Grâce à un petit miroir qu’il se sert comme d’un rétroviseur, Quentin observe sa cible sans qu’il s’en doute. Il le voit prendre des notes sur des prospectus de l’agence bancaire, mais au sujet des structures des locaux eux-mêmes.
 
Ce jeudi 14 avril 2011, au soir, Max se rend à la villa Monplaisir et Quentin n’est pas loin derrière lui. Il est déguisé, cette fois, en vieux paysan bourré, marchand tranquillement. Un homme en costume sombre, qui apparemment l’attendait, accueille et accompagne Max vers le bâtiment. Quentin ne pourra aller plus loin que la grille d’enceinte qui clôture l’ensemble de la propriété du caïd. Mais le détective ne s’en tient pas là et contourne, en suivant par la gauche, le mur de propriété. Cette clôture, d’ailleurs, est toute récente car à l’époque où Quentin venait jouer dans ces lieux, aucun obstacle ne venait l’empêcher d’aller s’amuser dans les ruines. Il arrive, malheureusement, au bord d’une falaise qui fait office, à elle seule, de défense. C’est la fameuse falaise de Corgoule, surplombant la forêt de Brugatin. Il tente de s’accrocher au rebord pour passer par ce piètre passage, mais très vite, il déchante. La difficulté d’agripper la roche escarpée ainsi que la hauteur de plus de 60 mètres font abandonner cette solution. Il reviendra plus tard, bien équipé cette fois. Pour l’instant, il va attendre Max à la sortie de la propriété.
Dans la demeure, Max arrive à point pour son rendez-vous, qui était prévu depuis quelques jours. L’homme en costume sombre, Joseph Létorski, qui accompagne l’invité dans la maison, est de taille moyenne, les cheveux bruns, un large nez et les yeux marron. Il introduit Max auprès du grand patron, Léonard Pardigan. Un homme de grande taille aux cheveux gris, moustachu et coiffé comme à l’époque des gangs, la raie sur un côté. C’est le parrain local s’occupant d’exactions en tous genres un peu partout sur cette région. Ce dernier avait justement le plan d’une banque déplié sur son bureau et discutait avec son second homme de main, David Péroni. Celui-ci est aussi de taille moyenne mais ces cheveux sont frisés et il a des yeux bleus. D’après le plan de Max, le casse qu’ils préparent doit se faire impérativement le 17 avril. C’est parce que Dorlan a travaillé dans la banque de Brugatin dans le passé, que Léonard lui a demandé de participer au cambriolage. Connaissant les lieux mieux que personne, il est non seulement le plus à même de renseigner les bandits sur l’organisation à mettre en place mais aussi désireux de se venger de son renvoi. Il regarde et commente le plan et désigne les systèmes de sécurité qu’il connaissait à l’époque. Le premier sbire, Joseph, sort un document contenant des informations sur le système de sécurité qui a été remplacé, il y a un an. David Péroni, quant à lui, a sorti des renseignements sur l’évolution technologique de cambriolage. Avec d’autres données qu’ils recoupent, Max va imaginer où les transformations ont pu être effectuées afin de mettre à jour ce casse sans danger. Il n’y a qu’un seul point incontournable, dans le projet de Max, c’est l’heure de l’ouverture forcée du coffre, à 16 heures. Il faudra donc qu’ils soient déjà dans la banque à cette heure-là. Ils conviennent tous d’une heure puis du matériel à se procurer d’ici-là. La réunion prend fin et Max repart vers la demeure paternelle.
Quentin, qui avait attendu caché tout le temps, voit Max sortir du domaine du truand. Il se précipite pour aller loin devant sur la route et, à mi-chemin du village, se met à marcher en titubant, comme s’il revenait d’une promenade de dégrisement. Au bout d’un moment, et comme il s’y attendait, Max le double et continue sa marche normale vers le village. Attendant quelques instants, le détective se remet à le suivre jusque chez lui. Il n’aura pas pu savoir de quoi parlait son entrevue. Mais il ne s’avoue pas vaincu puisqu’il pense déjà à la manière de pénétrer les lieux bien gardés de la villa Monplaisir.
Pendant les deux jours qui suivent, le détective continue de filer Max, qui passe du temps dans le centre du village. Il le voit ressortir avec un sac à dos, bien rempli, du magasin de Monsieur Boniface, le marchand de sport. Il le voit aussi acheter une dizaine de bombes aérosol chez le quincaillier, juste à côté.
 
La gazette de Brugatin : Samedi 16 avril 2011.
Demain, 17 avril aura lieu, comme tous les ans, le dimanche précédent la pleine lune du mois d’avril, la fête de la Saint-Placide. Cette tradition, rappelons-le, remonte au 11ème siècle lorsque la ville fut libérée des envahisseurs venus du nord. Les quatre canons, entreposés toute l’année dans un entrepôt de la municipalité dans ce seul but, sont amenés, ce jour-là, sur la place du village. Et c’est à 16 heures précises, que chaque canon tire à son tour 11 coups. Cette célébration sera précédée, comme habituellement, d’une fête votive, avec les stands habituels ne nos chers concitoyens : Amusement, distraction, humour et dégustation seront au rendez-vous dans les différents stands. Monsieur le maire, qui se joindra au banquet pour célébrer avec nous tous la Saint-Placide, lancera, ensuite, la cérémonie des canons vers 16 heures, en débutant par un discours. Venez nombreux !
 
Le samedi 16, veille de la fête de la Saint-Placide à Brugatin, Quentin déguisé, une fois de plus, en touriste belge rouquin, entre chez Monsieur Boniface. Ce dernier, grand avec les cheveux courts grisonnants, a le front dégagé, un large nez et les yeux marron. A l’époque où André Boniface avait ouvert son magasin de sport, on l’avait souvent pris pour un véritable sportif. Avec son un mètre quatre vingt douze de haut, il aurait très bien pu jouer du basket-ball. Aujourd’hui, ses 50 ans ont enlevé ces idées de la tête des clients. Le détective pénètre dans le magasin alors que le grand homme regardait, depuis sa vitrine, l’organisation sur la place centrale. Deux gros tracteurs amènent du matériel pour le lendemain. Parmi les stands, quatre gros canons sont transportés avec délicatesse. Quentin fait celui qui s’intéresse au sport et demande du matériel d’alpinisme ainsi que d’autres accessoires. Il voit alors le même sac qu’avait acheté la veille Max. Il demande au gérant pour quelle activité ce sac peut servir, spécifiquement. Ce sac n’a rien d’exceptionnel, il peut servir pour la randonnée, l’alpinisme comme pour la plage. Dit-il en rigolant, puisque la plage la plus près est au sud, à une centaine de kilomètres d’ici. Quentin demande nonchalamment s’il y a beaucoup de sportif à Brugatin et si du matériel est en constante rotation… Il apprend alors que pas plus tard qu’hier, un villageois est venu acheter justement trois exemplaires de ce même sac mais aussi trois lampes torches. C’est peut-être un spéléologue, plaisante t-il. Après avoir choisi d’acheter un sac à dos, un grappin dernier cri, une corde de rappel, des pitons d’accroche, un harnais et des mousquetons, Quentin décide d’aller à côté, à la quincaillerie. Là, seul un garçon blond d’une dizaine d’années le reçoit. C’est le fils du quincaillier et son père s’occupe, avec les employés de mairie, de l’installation pour la fête de demain sur la place. Le détective va profiter de sa jeunesse pour éviter les soupçons. Il va chercher quel aérosol Max a acheté en grande quantité. Trouvant l’astuce, il demande au gamin, quels aérosols il pourrait emporter aujourd’hui en grand nombre afin d’économiser pour l’avenir. L’enfant le conduit dans le rayon et lui montre ce qu’il y a. Tous deux peuvent nettement distinguer un trou au niveau des désodorisants. Il regarde de plus près et demande s’il y avait bien, là, des pchitt à la menthe. Le fils du quincaillier répond du tac au tac par la négative. Il sait très bien, que mercredi encore, il y avait plein de désodorisants à la mangue. Bon, Quentin a de quoi cogiter un moment avec ce qu’il a récolté. Au moment de ressortir sans rien acheter, le gamin lui demande s’il ne veut plus acheter de désodorisant pour ses économies. Quentin lui répond alors qu’il aurait préféré, malheureusement, ceux à la mangue. Il ressort et repart chez lui, en faisant des détours stratégiques, le temps de s’ôter ses postiches. Ce samedi soir, il téléphone à Félix Dorlan pour lui faire un rapport sur ce qu’il a appris et déduit.
« - Max ne parle absolument à personne de ce qu’il fait, il ne doit faire confiance à personne. Il s’adonne à sa passion du modélisme ferroviaire uniquement le mercredi après-midi. Il s’est rendu à la villa Monplaisir ce jeudi soir et malheureusement, trop gardée, je n’ai pas pu entrer pour voir de plus près, mais j’y travaille. J’irai jeter un oeil ce soir, je me suis organisé. Max a acheté du matériel étrange, 10 désodorisants et trois sacs à dos avec des lampes torches. On se demande ce qu’on peut faire avec çà. Bon, cela étant mon boulot, alors je vais travailler encore dessus pour vous, Mons… Félix. Et je voudrais juste ajouter une chose. Ce dimanche après-midi, je serai, comme d’habitude, à la kermesse. Donc, si on se croise, on fera comme… Au revoir Félix.»
Peu après avoir raccroché, Quentin met tout un tas d’objets dans son sac à dos. Il se grime une nouvelle fois, avec des favoris et une perruque frisée grise. Puis, il s’accoutre de vêtements noirs, de la tête aux pieds. Il fait nuit noire quand il revient là où il fut stoppé la première fois en haut de la falaise. Il fait sombre, mais, de nature nyctalope, il peut voir dans une faible obscurité. Il sort une longue corde et un crochet à planter qu’il fixe à un premier point d’accroche pour sa corde de rappel. Après s’être assuré d’un maintien efficace, il enfile son harnais puis le sac à dos ainsi qu’une cagoule qu’il ne met qu’à moitié sur sa tête. Il s’enclenche son mousqueton et peut se laisser glisser d’un mètre en dessous du niveau de la falaise. Il doit maintenant, passer à gauche, pour remonter par-dessous la muraille qui venait en saillie en deçà du vide. Il se balance et au plus haut point qu’il peut remonter, il s’accroche avec un piolet. Celui-là, il appartenait à son père, il fait partie de l’héritage. Là, dans un interstice naturel, il place une vrille avec mousqueton, lui permettant d’y accrocher son câble. Il teste la solidité et repart de là comme point d’appuis. Il s’est enfin déplacé de deux mètres en dedans de la propriété et remonte vers le haut. Il envoie un grappin et cherche, en le retirant à lui, une prise. Mais, l’objet crochu n’accroche rien et retombe vers lui, heureusement, frôlant sa tête de peu. Il retente un lancé et en tirant, il sent une résistance. C’est un grappin de dernière génération, composé en résine de synthèse, faisant moins de bruit qu’un modèle en métal. Il réussit, en se hissant à bout de bras, à arriver au niveau du sol. Il jette un oeil pour surveiller s’il n’y a pas de garde et peut surgir entièrement. Ca y est, il a grimpé sur le bord et s’est posé sur la terre ferme. Il place son sac à dos et le reste de ses accessoires dans un coin de la muraille pour éviter d’attirer l’attention. Il se retourne, finit de s’enfiler sa cagoule entièrement et vient se faufiler vers la bâtisse. Il se colle au mur et le rase en commençant à faire le tour par la droite. Il arrive sous une fenêtre et se risque à passer sa tête cagoulée, car il y a peu de chance pour qu’on puisse le voir, l’intérieur étant plus éclairé que là où il se trouve. Là, il voit un couloir où rien ne bouge. Il peut voir, par contre, par l’ouverture d’une porte laissant passer de la lumière, qu’une pièce est éclairée sur sa droite. Il se déplace donc vers cette direction jusqu’à la prochaie fenêtre. Une fois sous la baie, il s’assied un moment pour réfléchir. Puis il se redresse sur ses genoux, en se dépliant petit à petit. Quentin fait dépasser uniquement le haut de sa cagoule pour voir par le châssis vitré. Là, il voit deux hommes qui fument debout situés plutôt sur la droite de la pièce. Il ne les connaît pas surtout habillés comme des croque-morts. Mais il constate, à leurs mimiques, qu’ils discutent avec une troisième personne à gauche. Mais si le détective se déplace pour regarder dans cette direction, il peut se faire voir. Il doit donc ruser. De sa poche, il sort un étui en cuir duquel il extirpe son fameux petit miroir. Il le place, du bout de ses doigts, à l’extrême droite de sa longueur maximale de son bras droit étendu. Il manœuvre et voit un homme assis derrière un bureau. Là, il est surpris, car il reconnaît Léonard Pardigan. Quentin n’ignorait pas que "Le Léopard" se trouvait là, mais le voir en vrai et avec un cigare à la main à quelques mètre de lui, lui donne une plus grande frayeur. Il l’avait assez vu sur des journaux. On l’avait appelé le léopard car il était caractérisé de tueur idéal, comme l’animal, car on n’a jamais pu prouver ses crimes.
Dans le bureau du caïd, celui-ci donne ses ordres à ses deux sbires:
« - Au sujet du casse de demain, il s’agira, pour ce gosse de riche de Max, de son dernier coup. Vous me comprenez ?
- Pas de souci patron. On le liquidera juste après.»
Sans avoir entendu un seul mot de leur discussion, Quentin, se rassoit à terre. Prenant conscience, seulement maintenant, de l’importance du personnage, il se ravise et décide de repartir. Dans sa précipitation, il en oublie l’étui de son petit miroir au pied du mur sous la baie vitrée. Après avoir récupéré son sac et sa corde cachés dans les herbes, au pied de la muraille, il se hâte. Il reprend le même chemin, se laissant glisser le long de sa corde face à la paroi. Mais, il descend un peu trop vite et se blesse au bras gauche. Il sent que ce n’est qu’une égratignure et s’en inquiètera plus tard. Pour ne pas rester ici plus longtemps, il remonte rapidement, du bon côté, il récupère le grappin et se dépêche de tout rassembler en déguerpissant sans se retourner.
 
Le lendemain, dimanche 17 avril, Quentin passe au domicile de son ami Julien Héracle, qui est médecin. C’est un homme grand, aux cheveux et sourcils extrêmement noirs. Son front largement dégarni fait ressortir ses yeux encore plus noirs. Le détective lui explique qu’il s’est blessé et lui demande de regarder de plus près s’il n’est pas infecté. Julien se doute qu’il s’est fait cela dans l’exercice de ses occupations de détective et respecte sa discrétion en ne lui demandant aucune précision. Le contrôle est rapide et Quentin n’a pas à s’inquiéter pour une éventuelle infection. C’est une plaie banale avec cicatrisation sous huitaine. Il remercie chaleureusement son ami qui ne lui a mis qu’un peu de Bétadine et un bandage succinct. Le détective lui demande s’il se rend, cet après-midi à la cérémonie de la Saint-Placide. Le docteur lui répond qu’il a une visite à faire dans une maison de retraite dans le département voisin, et qu’il ne sait pas à quelle heure il sera là. Quentin, lui, y sera, et comme chaque année, tiendra le stand de la loterie. Ses parents le tenaient et maintenant, c’est lui qui a pris la relève. La kermesse qui accompagne la Saint-Placide est appréciée par tout le monde, petits et grands. Ensuite, les deux amis discutent de choses et d’autres. Julien lui apprend que dans la semaine, il va être connecté à l’ADSL. Tout son immeuble en sera doté, ils vont faire passer des fils partout. Quentin, lui, n’est pas encore intéressé par le net. S’il a besoin vraiment de savoir quelque chose, il va voir Barbara Claverie, au centre des services sociaux. A la find e cette discussion, le détective quitte là son ami et se rend chez le quincaillier, afin de finir l’organisation de la kermesse.
C’est l’après-midi. L’odeur de merguez flotte sur la place du village animée par le brouhaha général. Quentin, n’est pas allé se joindre à la grande tablée, à l’inverse de la plupart des convives autour du maire. Ce dernier, c’est Sébastien Soriano, il est d’origine italienne et comme tel, il sait parler aussi avec ses mains. Bon vivant, il s’est accroché le coin d’une serviette au col de sa chemise blanche. Cela lui cache son beau costume bleu mais aussi les tâches qu’il a fait avec les merguez. Son teint rougeaud démontre qu’il n’a pas oublié de boire le breuvage des dieux et produit par les vignerons du coin. Il commence à avoir ses cheveux longs et frisés démêlés et disgracieux, mais c’est dimanche après-midi et le maire s’amuse. Sa moustache porte encore des restes de ketchup. Quentin, lui, se contente d’un sandwich merguez-frites toujours installé derrière son stand de la roue de la chance. Afin d’attirer du monde, il fait tourner son cercle en bois bardé de clous, plusieurs fois, faisant entendre ses cliquetis. Alors qu’un petit garçon, portant un tee-shirt de "Ben 10", blanc et vert, passe devant lui, il l’interpelle. Il lui dit de jouer pour gagner le gros lot, qui est un grille-pain offert par le quincaillier. Le petit garçon brun avec une bonne bouille aux yeux marron, se retourne et lui dit qu’il n’a pas le temps, qu’il doit faire un travail chez lui. Tant pis, Quentin se rassoit et croque une bouchée supplémentaire dans son pain. Il regarde à sa droite, là où le stand des brugates est installé. Le marchand, est un des employés de "Avenir Production", cela se voit à ses mains vertes. Il lance un regard triste à Quentin et ce dernier comprend le message. Aucun chaland ne sera intéressé par l’achat des brugates aujourd’hui. Il n’y a personne pour se contenter, un jour de fête comme celui-ci, d’un seul repas ! Il n’y a qu’à voir comment le maire se comporte à table.
Dans une ruelle derrière la banque, un Citroën Berlingo blanc se gare un peu plus loin, pour ne pas attirer l’attention. Trois hommes portant des lunettes de soleil ainsi que des gants en descendent. Max Dorlan, Joseph Létorski et David Péroni ouvrent les deux vantaux arrière et sortent trois sacs à dos, un matelas et un sac de sport. Max compte sur le vacarme des canons à seize heures durant lequel, tout bruit suspect ne sera pas entendu. C’est la plus importante partie du plan. Il n’est que 15 heures et c’est devant la porte arrière du salon de coiffure, mitoyen de la banque, que les trois bandits s’arrêtent. Joseph sort du sac de sport un pied de biche et force cette l’entrée. Il n’y a eu qu’un petit bruit de bois brisé, et cela n’a attiré l’attention de personne. Une fois fait sans difficulté, tous trois entrent en tirant avec eux le matelas. Une fois à l’intérieur, Max dirige ses deux complices vers une pièce à gauche qui les concerne. Là, un vieux comptoir en bois massif cache, en fait, un ancien passage muré entre les deux commerces. Max connaissait l’information et il s’en est servi pour le plan. A eux trois, ils réussissent à déplacer le lourd meuble pour accéder à la paroi, anodine. Ensuite, le matelas est posé à plat sur le sol pour amortir la chute des matériaux. Ils sortent leurs outils et se positionnent des masques anti-poussière sur leurs visages. Ils commencent à creuser, avec le moins de bruit possible, le mur très mince à cet endroit. L’ouverture faite, les trois malfrats sont déjà contents. Ils sortent maintenant un feuillet, rappelant les points névralgiques à ne pas oublier. La première alarme est de type optique à laser. Ils sortent, un à un, les aérosols pour les vider dans la pièce protégée. Les fins rayons vont être visibles au travers le brouillard sentant la mangue. Au total, ils utilisent trois bombes désodorisantes et peuvent maintenant distinguer où passent les rayons. Une fois ceux-ci repérés, les cambrioleurs enjambent les barrières de laser et passent dans la pièce de derrière, là où se situe un sas d’accès au coffre. Pour y accéder, une première porte simplement fermée à clé est vite fracturée par Péroni, à l’aide du pied de biche. Une seconde porte, un peu plus costaud leur fait face. Il s’agit de l’accès à la salle du coffre et Joseph sort du sac de sport un instrument spécial. C’est une perceuse à 4 mèches simultanées. Il la met en route et commence à forer. Le sifflement aigu qui s’ensuit n’inquiète en aucun cas les trois malfrats. Par contre, un jeune garçon au tee-shirt vert et blanc, qui joue à un jeu vidéo, au deuxième étage du salon de coiffure, se pose des questions. Après le succès de l’ouverture de la seconde porte, les trois cambrioleurs sont dans la dernière pièce, là où la porte blindée protège le coffre-fort. Une porte de deux mètres de large sur autant de haut est en face d’eux dans la pièce. Joseph sait précisément là où il doit placer les charges d’explosifs : Sur les gonds. Il les fera sauter en même temps que les coups des canons de la place du village. Joseph sort du sac les pains de plastic et y plante les câbles qu’il doit relier au détonateur qu’il manipulera depuis une pièce adjacente. David, lui, sort un petit appareil qui va neutraliser l’alarme qui contrôle la bonne fermeture du vantail blindé. C’est un mini électro-aimant qu’il positionne sur un coin précis sur le cadre, au-dessus du lourd vantail. Il est bientôt 16 heures et, tous trois sortent de la salle du coffre pour aller se mettre à l’abri plus loin. Joseph déroule avec lui le faisceau de câbles qu’il relie au détonateur, une fois installé avec ses deux complices. A 16 heures, ils sont prêts, à l’abri et attendent le premier tir.
« - Boum ! » Un premier tir à lieu, et Joseph allait appuyer sur le détonateur, mais Max l’en empêche. Il attend encore quelques secondes puis, un second coup se fait entendre et enfin, une série rapprochée. Là, Dorlan lui donne le signal. Joseph enclenche son bouton et une violente explosion se produit, avec un bruit de fracas qui suit. Ils se regardent et foncent vers la pièce où a eu lieu l’explosion. Là, une épaisse fumée les empêche de bien voir ce qu’il en est de la scène. Mais grâce à la VMC, le nuage blanc s’évacue et ils peuvent, tous les trois, voir l’ampleur des dégâts. La lourde porte blindée a été décrochée littéralement et gît au sol. A l’extérieur, sur la place du village, il y a encore quelques coups de canon puis le silence revient. Depuis son stand, Quentin s’enlève les mains de ses oreilles qu’il avait appliquées avec force dès le premier tir de canon. Dans la banque, les trois bandits n’ont pas de temps à perdre, ayant calculé un délai correct de ratissage. Munis de masques anti-poussière et de lampes torches, ils s’engouffrent dans le coffre fort ouvert. Ils n’ont qu’à se servir, prélevant des billets dans différents casiers non protégés. Cette information-là était prévue. Ils emplissent chacun leur sac à dos vide pour l’occasion. Après seulement 7 minutes de ramassage de milliers d’euros, d’après un timing déjà répété, ils stoppent et ressortent du coffre. Max, sans rien dire à personne, s’est glissé quelques billets dans ses poches, histoire de gratter sur le partage. Ils espèrent que personne n’a entendu leur vacarme et s’enfuient aussitôt en ayant repassé les rayons d’alarme, en les évitant une fois de plus. Il est 16h10 alors qu’ils ressortent par le même endroit, l’arrière du salon de coiffure. Ils laissent alors sur les lieux, le sac de sport, le pied de biche, les outils de creusage, les bombes aérosol vides, les détonateurs inutilisables et le matelas. Ils courent au fond de la ruelle, récupèrent le Berlingo et démarrent aussitôt. Ils sortent de la commune par un trajet détourné les faisant éviter la place du village.
Justement, sur la place du village, tout se déroule comme si de rien n’était, la fête battant son plein, avec ses danses folkloriques, ses artisans venant vanter leurs mérites et les marchands de pralines et de merguez, faisant une fumée pas possible avec le barbecue. Le petit garçon de tout à l’heure, qui est le fils de la coiffeuse, repasse devant la roue de Quentin et cette fois, en courant. Il s’approche maintenant de Monsieur le Maire pour lui dire quelque chose à l’oreille. Ce dernier était en conversation avec Félix Dorlan, assis à la grande table, à côté de l’élu. Dès les premières paroles du gamin dans son oreille, Sébastien Soriano change de mine. Il se lève alors brusquement dévoilant une carrure trapue.
Sur la route départementale D950, qui relie Brugatin à Forcalquier, le véhicule des bandits prend une route tertiaire et s’enfonce dans la forêt brugatinoise. Ils roulent un moment pour ne plus apercevoir l’entrée de cette flore. Là, ils sortent tous les trois de la Citroën et exultent de joie en s’enlevant leurs masques à poussière. Joseph Létorski sort une vieille couverture rouge et bleue et l’étale à terre. Puis, à eux trois, ils vident leurs sacs à dos dessus pour voir ce qu’ils ont récolté. Max commence à compter afin de diviser et de faire des parts, lorsque David Péroni l’arrête. Max se redresse et demande à ses deux complices ce que prendra le chef, Léonard. Là, Joseph se relève, mettant une main derrière son dos, et lui dit, aussi calmement que possible, que le patron récupèrera un tiers du pactole. C’est à dire sa part. Là, Max comprend où veut en venir le sbire et va pour s’enfuir loin de là. Mais ayant sorti rapidement son arme, Létorski lui tire une balle dans le dos. Max tombe sur le sol dur de la nature mais, n’étant pas mort sur le coup, se relève avec un bel effort. Il commence à ramper, déchirant ses gants en latex, en direction d’un arbre pour se mettre à l’abri. Malheureusement, son tueur est déjà derrière lui et quand Max se tourne pour voir où il est, il reçoit une seconde balle dans la tête. Il s’écroule au pied de l’arbre qui sera sa pierre tombale. Les deux complices n’attendent pas plus. Joseph récupère les trois masques, les trois sacs à dos vides puis démarre le moteur du Berlingo. David, lui, rassemble les pans de la couverture pour remballer tout le butin. En faisant vite, il ne voit pas qu’un coin du vieux tissu se déchire et reste accroché à une racine. Puis il saute dans la voiture rejoignant son complice. Ils repartent pour rejoindre leur boss, dans la direction de la villa Monplaisir, pas très loin. La forêt qui était devenue silencieuse après le bruit des deux détonations, laisse entendre, à nouveau, les sifflements d’oiseaux. Mais autre chose à été bouleversé dans ce cadre magnifique de la nature.
Des végétaux s’écartent tout seul sur le passage de deux ombres qui s’approchent du corps inerte de Max. Ces deux entités l’analysent, s’échangent des informations sous forme de sons incompréhensibles et décident d’emmener le corps. Le cadavre de Dorlan est alors soulevé dans les airs par une force invisible et, par lévitation, précède les deux ombres qui repartent vers le cœur de la forêt.
Vers la fin de l’après-midi, Max s’éveille en pleine forêt exactement au même endroit où il avait été exécuté. Il se relève d’un seul coup, comme poussé par un ressort, regardant à droite et à gauche. Il s’étonne d’être encore en vie et regarde s’il a vraiment été ou non blessé. Il se tâte et ne voit aucune trace. Il ne voit même pas de trou dans ses vêtements, il porte encore ses gants en latex qui sont toujours intacts. Il ne comprend pas et les retire aussitôt contemplant ses mains saines. Il se repère difficilement et se met à marcher dans une direction qu’il pense être le village. Au bout d’un moment, après avoir tourné plusieurs fois aux mêmes arbres, il voit enfin un éclaircissement. Il sort de la forêt et il est soulagé de ne s’être pas perdu définitivement, surtout que la nuit commence à tomber. Il longe la route qu’il connaît bien, et, à un croisement, il prend à droite et se dirige chez lui. Il est décidé à parler de ses problèmes, pour une fois, à son père. Après encore quelques minutes de marche forcée, Max arrive devant la demeure paternelle. Il passe les grilles juste avant la tombée de la nuit, vers 17h25. Mais aussitôt rentré, il constate que son père n’est pas là. Il monte alors dans sa chambre dans le but de prendre une douche pour se laver de ce qu’il a vécu. Il jette ensuite ses vêtements à la poubelle, non sans récupérer la liasse de billets qu’il a pu subtiliser à ses ex complices. Il compte et contemple le total de 5 000 euros en billet de 500, de 200 et de 100 qu’il remet dans la poche de son pantalon propre. Puis, il redescend au rez-de-chaussée et c’est là que la porte d’entrée s’ouvre sur Félix. Celui-ci s’étonne de le voir à cette heure-là. Ils restent alors figés tous deux dans le hall d’entrée. Max tente de commencer une explication très embrouillée par son bafouillage. Son père, lui aussi, se met à parler. Il rentre plus tôt de la fête annuelle car le maire a eu une mauvaise nouvelle. On aurait cambriolé la banque durant la fête. Max saisit alors cette fin de phrase pour révéler sa mésaventure et pour enfin tout déballer de son mal être. Mais son père l’interrompt pour le sermonner grandement. Il se met tellement en rogne contre son fils, qu’il avoue qu’il envisage de le déshériter pour lui démontrer ce qu’est la valeur de la vie. A ce moment-là, désappointé à un très haut niveau, Max le pointe du doigt dans l’intention de répondre à son géniteur. Mais au lieu de parler, une force invisible, partant de sa main, projette son père en arrière et l’envoie contre le buffet derrière lui. Là, sa tête heurte le coin du meuble robuste. Félix n’y résiste pas et succombe à ce terrible choc. Son fils étant tout aussi étonné de ce qu’il vient de se produire, s’avance près de son père à terre. Il s’agenouille, tâte le pouls et s’aperçoit que c’est fini pour lui. Devant l’énorme quantité de sang s’écoulant de la tête, il s’affole et ne sait plus quoi faire. Mais Max se reprend, il décide alors de s’enfuir, hors de la demeure familiale. Une fois sur le perron, et malgré la nuit tombée, il voit la voiture de son père, garée devant. Une Matiz Chevrolet bleue avec une fleur blanche peinte sur le capot avant. Sachant que son père y laisse toujours les clés dessus, il décide de s’en emparer. Il démarre la voiture, allume les phares et file droit devant lui, voulant quitter ce monde où personne ne le comprend. Max est encore sous le choc de ce qui vient d’arriver à son père. Il a senti cette onde de choc partir de son corps et pousser son père contre le buffet. Il ne le voulait pas. Enfin, pas vraiment. La voiture roule en direction de l’ouest sans destination prévue, c’est le dimanche 17 avril 2011 à 18h00.
Dans la nuit du dimanche au lundi, deux véhicules roulent sur la départementale 950, un Berlingo blanc suivi d’un coupé sport bleu nuit. Dans un virage, bordant une pente de terre abrupte, ils ralentissent et se garent tous les deux. La main gantée de cuir du conducteur du Citroën coupe le contact et néglige, volontairement, de mettre le frein à main. David Péroni sort du véhicule, ouvre les portes arrière et jette sur la vieille couverture, les trois sacs à dos, les trois masques à poussière ainsi que les deux paires de gants en latex. Puis, il verse plusieurs décilitres d’un bidon d’essence sur tout ce qu’il voit. Le bidon vide, il le jette dans le tas avant d’y jeter une allumette. Un feu se déclare très vite alors qu’il referme les portes. Passant ensuite dans la voiture de derrière, il vient s’installer côté passager.
« - Voilà, Jo, tu peux la pousser, il n’y a rien qui réchappera aux flammes. Tout sera anéanti et aucune trace ne subsistera.
- OK j’y vais. »
Joseph Létorski avance prudemment jusqu’à toucher le pare-chocs de la Citroën en feu. Puis, il continue d’avancer, poussant le véhicule blanc sur quelques mètres, le faisant tomber du haut du ravin. Le coupé sport n’attend pas et s’esquive immédiatement pendant que l’on peut entendre un bruit de frottement et de tôle froissée. Plus bas, le Berlingo en flammes suit la pente abrupte et dégringole vers le bas du ravin. Dans sa descente, il emporte une traverse de bois qui tenait un pilier. Ce dernier s’effondre ne soutenant plus une plate-forme de métal sur laquelle se trouve une énorme cuve. La citerne, remplie d’eau, perdant son support, bascule et déverse son contenu en contre-bas. L’incendie, qui commençait à ravager le Berlingo s’étant arrêtée quelques mètres en dessous, est entièrement circonscrit par le volume d’eau passant sur sa trajectoire. Personne pourtant ne s’aperçoit de quoi que ce soit, le propriétaire du terrain est actuellement absent.
 
Une main est en train de tenir un journal ouvert.
 
Lundi 18 avril 2012. Un décès et un cambriolage le même jour, à Brugatin ! Hier après-midi, sur les affirmations d’un enfant, Monsieur Sébastien Soriano, le maire de Brugatin est allé en personne faire le constat du cambriolage de la banque brugatinoise. Le fait a été constaté à 16h20. La seule banque de la commune a été la cible d’un ou plusieurs individus qui ont emporté une énorme somme d’argent, non encore comptabilisée. Le coffre-fort a été ouvert par explosion et celle-ci n’a pas été entendue car au même moment, les canons de la Saint-Placide tiraient les 44 coups. Mais le fait le plus marquant est le décès de Félix Dorlan, le célèbre PDG de Avenir Production. C’est également Monsieur le maire qui, allant rendre visite à son ami après cette journée pleine d’émotion, l’a découvert inanimé dans son hall d’entrée. Apparemment, la mort de Félix Dorlan serait due à une mauvaise chute contre le coin d’un meuble. Mais la gendarmerie de Forcalquier a aussitôt pris l’affaire en main. On recherche activement Max Dorlan, le fils de la victime, que personne n’a vu depuis le dimanche matin. On espère qu’il ne s’agit pas-là, d’une affaire de kidnapping avec une demande de rançon. Le casse de la banque a dû se produire vers 16h, puisque c’est l’horaire de tir des canons. Quant au décès, l’heure exacte en sera déterminée par l’autopsie. Au vu de la situation bien mystérieuse, la gendarmerie a demandé une aide logistique à la DRPJ de Paris.
 
 
Les habitants de Brugatin se lèvent ce lundi matin avec un drôle d’état d’esprit. Leur commune a été touchée par deux faits divers troublants. Après une journée de fête, un journée de deuil est décrété par Monsieur le maire. Le démontage des installations sur la place du village est reporté à demain. La pluie fine qui tombe depuis l’aube n’était pourtant pas un inconvénient. Vers la fin de la journée, la pluie a redoublé. C’est une énorme averse qui arrose la région.
 
Mardi 19 avril 2011. La pluie ayant cessé sur Brugatin, les hommes s’affairent pour déménager les quatre canons vers l’entrepôt communal. Le maire, n’a pas pu donner un coup de main aux bénévoles parce qu’il doit effectuer des constats et effectuer de la paperasse en raison des récents évènements. Le parquet de Paris a répondu favorablement en ce qui concerne l’aide logistique pour l’enquête sur les deux délits commis dans la commune. Un seul homme va leur être envoyé dès mercredi. Toutefois, c’est à l’élu de s’occuper de lui trouver et un bureau et un logement décent. L’hôtel des brugates est tout désigné pour l’héberger, aux frais de la commune. Quant à un lieu pour qu’il s’installe professionnellement, c’est une pièce de la mairie qui sera son bureau. La gendarmerie de Forcalquier a été catégorique là-dessus, l’enquêteur doit se trouver au plus près des scènes des crimes.
 
Mercredi 20 avril 2011. En ce qui concerne les circonstances du décès de Félix Dorlan, une enquête a été ouverte pour homicide. En raison de l’importance du personnage, un enquêteur de la capitale a été dépêché sur place, à Brugatin, par le Quai des Orfèvres, dépendant directement du ministère de l’intérieur. Le célèbre Président Directeur Général de la société Avenir Production fut découvert chez lui, mort dans le hall de sa villa, dimanche soir. L’autopsie n’a pu révéler aucune autre marque sur son corps hormis sa blessure à la tête, celle qui a entraîné la mort. Son fils Max n’ayant pu être retrouvé, les enquêteurs avaient pensé, tout d’abord, à un kidnapping avec une demande de rançon au vu de la richesse familiale. Mais depuis, la théorie de l’enlèvement ne tient plus. Trois jours après, les ravisseurs se seraient déjà fait connaître pour demander une rançon. C’est maintenant vers le fils que les soupçons se tournent. L’enquête se poursuit et la mention de « parricide » a été évoquée. Max Dorlan était connu comme un délinquant qui ne s’attirait que des ennuis. Il n’a jamais marché dans les pas de son père, représentant l’exemple à suivre. Aujourd’hui donc, un avis de recherche à été lancé concernant Max Dorlan.
 
 
Le mercredi 20, lors de l’enquête publique, en lieu et place de la mairie de Brugatin, Quentin Richaud s’est présenté spontanément pour déposer ce qu’il sait. Là, il rencontre l’inspecteur Bertrand, épaulant les gendarmes de Forcalquier. Il a été parachuté de Paris pour résoudre le mystère du meurtre de Félix et du casse de la banque. L’inspecteur Bertrand est un homme de grande taille avec une épaisse chevelure rousse et porte la moustache et la barbe dans le même ton. D’après Quentin, il devrait avoisiner la trentaine, mais les rides autour de ses yeux marrons le contredisent. Le policier écoute attentivement la déposition du détective privé. Ce dernier lui révèle tout ce qu’il sait depuis le début. Il lui révèle que Félix Dorlan l’avait engagé pour surveiller les agissements de son fils qu’il soupçonnait de se liguer à des grands malfrats. Qu’il l’a suivi à la propriété sur la falaise où il a pu voir Léonard Pardigan, le célèbre malfrat, en compagnie de complices. Il a su que Max a acheté du matériel qui a, ensuite, été découvert dans la banque. Etant sur les lieux dimanche en fin d’après-midi, Quentin avait appris pour la banque, et il n’y avait pas beaucoup de place aux coïncidences. La visite à la villa Monplaisir, le casse à la banque, le décès de Félix Dorlan, la disparition de Max. Quentin émet une hypothèse. Le gang se serait servi de Max afin d’avoir des renseignements pour le casse car il a déjà été employé dans cette même agence. Puis, après, ses complices l’auraient liquidé pour se partager plus de magot. Et si par malheur, il y avait eu son père dans les parages, ils l’auraient également refroidi. Le détective demande si le relevé d’empreintes sur les lieux du cambriolage et dans la demeure de Dorlan a révélé quelque chose. S’il va envoyer des hommes enquêter auprès du parrain Léonard. L’inspecteur, chargé de l’affaire, lui dit qu’il n’a pas à lui répondre puisque Quentin n’est pas policier et aussi qu’il n’a pas à se mêler de l’enquête. Quentin lui précise qu’il est venu de son propre chef et qu’il devrait prendre ceci en considération. L’inspecteur lui rétorque qu’il l’aurait de toute façon convoqué, vu qu’il ressort des premières investigations, que la victime lui avait fait un chèque de 5000 euros.  Le détective privé, vexé, se lève brusquement pour s’en aller. Bertrand le retient en lui disant qu’il le sollicitera certainement pour de plus amples renseignements. Quentin ne doit pas quitter la ville, il reste un témoin, avec ce qu’il a appris durant son investigation.
Quentin ressort furieux de la mairie. Lui qui a tenté de faire la lumière pour Félix, il se retrouve comme simple témoin sur cette enquête. Mais il ne va pas rester ainsi, il va se débrouiller pour en savoir plus, avant la police.
Juste après que Quentin soit sorti du bâtiment communal, l’inspecteur Bertrand sort, d’un panier d’osier à ses pieds, une brugate. Il la tient un moment dans sa main et la tourne sous tous ses angles pour la regarder. Il s’étale un papier essuie-tout et pose le fruit dessus. Il sort de sa poche un couteau qu’il déplie et s’apprête à entamer le fruigume. C’est à cet instant que le téléphone sonne. L’appel est transféré, depuis la gendarmerie, à l’inspecteur Bertrand :
« - Bonjour inspecteur. On m’a dit que vous vous occupiez de l’enquête sur la mort de Félix Dorlan.
- Oui, bonjour. Monsieur, à qui ai-je l’honneur ?
- Je suis Jean-Claude Natché, le nouveau PDG de Avenir Production. »
Cette information surprend Bertrand. Le pauvre Félix Dorlan est à peine froid qu’un successeur est déjà en place à l’usine.
« - Je comprends votre surprise, inspecteur, reprend Natché, et je tiens immédiatement à expliquer cela.
- Très bien, je vous écoute. »
Jean-Claude Natché est actuellement installé debout devant le bureau de feu Félix Dorlan. Il est de taille moyenne, ses cheveux bruns en fouillis lui donnent un air loufoque et avec le sourire malicieux, cela le confirmerait. Il a un large front, des yeux marron et un menton en pointe. Jean-Claude explique alors à l’inspecteur, ce qu’il ignore :
« - Parmi toutes les règles qui régissent l’usine de brugates, y compris les secrets, il y a la succession au siège de PDG de l’usine. Et cet évènement était prévu depuis l’entrée en fonction de Félix Dorlan. D’ailleurs, après-demain, vendredi, une réunion secrète aura lieu afin de choisir mon futur remplaçant.
- Ah, je crois que c’est loupé, alors, dit l’inspecteur. Elle n’est plus secrète votre réunion, si vous venez de me l’apprendre. Plaisante l’inspecteur.
- Oui, enfin, vous n’en serez pas, de toutes façons. »
Pour oublier cet incident,  Bertrand reprend le cours de la conversation :
« - Monsieur Natché, vous savez que je vais venir enquêter dans les locaux de la société, pour le décès de Félix Dorlan. Je pense venir avec des gendarmes, dans la journée de demain. Y voyez-vous un inconvénient ?
- Non, absolument pas. Mais je vous téléphone pour vous informer de quelque chose d’important.
- Qu’est-ce que vous avez à me dire qui ne peut attendre demain, Monsieur Natché ?
- Dans le meuble de bureau de Félix, mon prédécesseur, j’ai découvert, dans un tiroir, un dispositif de vidéo-surveillance. Et l’ouvrant, j’ai vu qu’il y a également un magnétoscope numérique. L’écran qui l’accompagne montre clairement un plan fixe filmé vingt quatre heures sur vingt quatre. Tout en parlant, le successeur de Dorlan rallume l’écran.
- Ne serait-ce point normal, vu l’importance de votre entreprise, Monsieur Natché ? Lui répond-il.
- Ben justement. Le lieu surveillé n’est pas dans le domaine de Avenir Production. Actuellement, et depuis lundi, il y a beaucoup de va et vient…Surtout des gendarmes et des policiers scientifiques.
- Bon sang, mais dites-moi où cela se passe, s’il vous plaît.
- Dans le hall d’entrée de la maison de Félix Dorlan. »
La scène, où évoluent effectivement des policiers, est filmée en direct.
 
Le soir même de ce mercredi 20, Quentin reprend son équipement d’escalade et retourne à la falaise de Corgoule, toujours de nuit. Il se sert des points d’ancrage, qu’il avait posés et laissés là le samedi soir, pour s’y accrocher à nouveau. Le sol et la roche, humides des intempéries de lundi, ne facilitent pas sa tâche, mais le détective, après deux glissades, s’accroche et persévère. Il réussit à remonter la paroi boueuse et dangereuse à la force de ses mains sur la corde. Malheureusement, à peine a-t-il posé le pied sur le bord de la falaise, à l’intérieur de la propriété, qu’il est happé et soulevé par deux bras bien costauds. Deux lampes torches lui éblouissent le visage. Joseph Létorski et David Péroni le maintiennent fermement et l’emmènent dans la demeure. Il est conduit devant Léonard Pardigan qui, depuis son bureau, le toise en fumant un cigare.
« - Vous êtes Quentin Richaud, n’est-ce pas, démarre le caïd ?
- Et vous, qui êtes vous, Monsieur ?
- Excusez-moi, mais c’est vous qui êtes entré sans vous faire annoncer chez moi. Et, de plus, pour la seconde fois, lui montrant l’étui oublié de son miroir, posé à côté de lui sur le bureau. Alors, c’est moi qui pose les questions. Je sais que vous êtes détective privé. Alors, pour qui travaillez-vous ? Qu’avez-vous appris ?
- Et vous voulez que je réponde à tout cela ?
- C’est comme vous voulez. Je peux vous laisser entre les mains de mes hommes qui se feront un plaisir de vous interroger…
- C’est çà. Essayez et on verra. Dit-il, pensant à un bluff.
- Emmenez Monsieur, immédiatement ! Dit-il en s’adressant à ses deux hommes debout en attente. »
Les deux gorilles s’emparent alors de Quentin et le conduisent au sous-sol. Ils le traînent jusque dans une pièce sans fenêtre et ne disposant que d’une ampoule qui pend du plafond et d’une chaise au centre. Ils l’asseyent de force et le ligotent. Là, l’un des deux, David en premier, commence à lui mettre des baffes qui ne font que rougir ses joues. Puis, il augmente la pression, cela devient plus inconfortable pour Quentin. Mais il résiste, malgré qu’il ne soit pas un costaud, il va voir jusqu’où il peut tenir sous les coups de ses agresseurs. Au bout d’un moment, Peroni s’arrête et passe le relais à son comparse. Celui-ci s’amène et frappe le détective directement au ventre, d’un coup de poing. Quentin étouffe un cri sous ce choc qui lui coupe la respiration pendant quelques secondes. A la suite de cela, Joseph l’interroge du regard. Quentin le regarde dans les yeux et signale qu’il va parler. Alors, David appelle leur chef.
Léonard arrive sur le seuil de la porte et, de là, va écouter ce qu’il va dire :
« - Alors, qui vous a engagé et pourquoi ?
- C’est Félix Dorlan qui voulait savoir avec qui son fils traînait.
- Et ?
- Et c’est tout ! Cela répond à vos deux questions. »
Là, Léonard fait un signe et Joseph revient dans l’intention de le frapper au visage.
« - OK, Ok je parle.
- A la bonne heure Monsieur Richaud.
- Jeudi soir, j’ai vu simplement Max entrer ici et en ressortir. Je ne sais rien de ce qui s’était passé ici ce samedi soir, puisque je n’ai pas de système d’écoute perfectionné. Et tout ce que je sais, je l’ai dit à la police. Et Félix Dorlan, c’est vous aussi qui l’avez tué ?
- Vous plaisantez, jeune homme ? Qu’aurais-je à y gagner de descendre cet homme ? Je vois que vous ne vous y connaissez pas très bien en affaire crapuleuse. Bon, et bien, je crois, que dans ce cas précis, c’est moi qui vais vous en apprendre beaucoup. »
Il lance un ordre à ses deux fidèles gardes et, le tenant, ils remontent au rez-de-chaussée, le patron en tête. Puis, se tournant vers Quentin, il débute :
- J’ai recruté Max Dorlan parce qu’il connaissait bien la banque pour y avoir déjà travaillé. Puis, juste après le casse, il a été descendu sous mes ordres. La seule chose étrange est que personne n’a encore retrouvé son corps qui a été laissé dans la forêt dimanche après-midi. Il y a pourtant des chasseurs et des randonneurs, non ? Bon, quoi qu’il en soit, à cause du décès de Dorlan père, de la disparition de Max ainsi que de la votre, je vais devoir quitter les lieux. Mais je me poserai ailleurs, et je continuerai mes exactions, croyez-moi.
- Qu’est-ce que vous voulez dire par "ma disparition"?
- Je n’aime pas laisser des témoins derrière moi.
- Vous vouliez, de toutes façons, me descendre ? C’est pour cela que vous m’avouez tout sur ces derniers jours !
- Effectivement. Votre piètre carrière de détective, comme votre vie, prend fin aujourd’hui. Désolé, dit-il alors qu’ils sortent du bâtiment où à l’extérieur règne l’obscurité. »
Dans la nuit, Quentin est emmené à l’extérieur de la bâtisse. Les deux hommes de main ont chacun une arme et une lampe torche pour éclairer leurs pas. Léonard, tenant le sac à dos de Quentin, veut que l’on croie à une erreur de débutant. Avec la pluie qu’il y a eu, un accident d’escalade arriverait même à un professionnel. Pendant que l’un des gardes le maintient en respect avec une arme, l’autre remet son sac à dos au détective, son harnais attaché à la corde et lui dit de reculer vers le bord de la falaise. Comme les gardes éclairent ce point précis où doit se tenir Quentin, ce dernier recherche des yeux le point d’attache qui est toujours là, quelque part dans l’obscurité. Le détective est confiant et obtempère en se mettant au bord du précipice. Mais, à sa grande surprise, Léonard sort sa lampe torche à lui, se penche et sort, de l’épaisse végétation, l’extrémité de sa prise. Il se fait une joie de le détacher et de lui montrer qu’il est maître de la situation. Quentin pensait qu’il avait une chance de s’en sortir et soudain, il prend conscience de la situation désespérée. Il a vraiment peur pour sa peau, il tente de se déplacer vers un côté, mais les deux gardes l’encerclent.
« - Vous pensiez que j’oubliais un détail ?  Lui lance le caïd. C’est dommage pour vous mais votre vie va "basculer", sans faire de l’esprit, bien entendu. Hé hé hé !» Les trois hommes se mettent à rire. Ils se rapprochent de lui pour l’inciter à sauter tout seul, mais comme Quentin les repousse, l’homme de gauche, Joseph, lui envoi un uppercut sous le menton. Le coup est tel que Quentin est projeté en arrière, dans le vide.  Il se met à hurler alors qu’il chute dans le noir en s’écartant de la paroi de la falaise. On peut entendre les craquements de son corps se heurtant à des branches d’arbres qui le démantibulent au fur et à mesure des chocs successifs. En moins de quatre secondes, il s’est écrasé au bas du gouffre. D’en haut et malgré les lampes, aucun des trois hommes ne peut le voir mais ils connaissent la hauteur.
« - Une telle chute ne pardonne pas. Dit Létorski en rengainant son flingue.
- Voilà, dit Léonard, c’est une affaire classée. Lorsqu’on découvrira le cadavre, on pensera à un accident d’un sportif amateur.
- C’est bien pensé chef, lance Péroni en éclairant leur retour vers l’entrée de la bâtisse avec sa lampe torche.
- Maintenant, on s’occupe de notre départ. Ramassez ce qui nous intéresse, vos affaires, ne laissez aucune pièce à conviction. Moi, je vais planquer le fric. Je vais le cacher dans un endroit sûr où personne ne viendra mettre son nez. Nous reviendrons le récupérer ultérieurement, bien après que cette affaire se soit calmée. Et vous deux, dès que vous aurez fini de tout préparer, vous irez fouiller chez ce fouille-merde. J’ai l’adresse de cet ex détective. Vous récupèrerez ce qui nous serait gênant. Pendant ce temps, je chargerais la voiture pour notre départ. Cela commence à sentir mauvais par ici.»
 
Soixante mètres plus bas, Quentin est effectivement mort. Son corps est disposé de sorte qu’il vaut mieux qu’il soit mort. Son buste et sa tête sont orientés vers le ciel. Sa jambe gauche est tordue dans son dos sous lui et le pied arrive contre son oreille droite. Sa jambe droite, elle, n’est tordue qu’au niveau du genou qui est plié sur la gauche. Son bras droit est écarté et tient un morceau de branche qu’il a dû arracher en tentant de s’y retenir. Et sa main gauche est fortement serrée autour d’une sangle de bretelle de son sac à dos, écrasé dans son dos. Le cadavre est assez visible sous une faible lune, que cachent les branches. Quelques minutes après, une fois que la poussière, soulevée lors de l’impact, ait été dissipée, des ombres s’approchent. C’est comme la fois où il s’agissait de Max Dorlan, assassiné lâchement, là aussi. Mais à la différence qu’il n’y a pas deux mais trois entités, cette fois...
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  • François Emile dit :
    1/6/2023

    Bonjour Jacqueline, du Bâtiment "H". Mon livre a donc voyagé! je suis désolé des fautes, car c'est uniquement moi qui fais tout (création, mise en page, relecture et donc, des fautes passent au travers, tout de même. Au sujet du mail, c'est bien francois.emile04@gmail.com
    Je ne sais pas pourquoi il y aurait une "alerte piratage". Mais, de toute façon, ce n'est pas un site web que vous visitez mais un mail que vous envoyez, donc, il n'y a pas de danger de piratage. J'attends donc votre mail avec impatience. F. Emile.

  • Jacqueline dit :
    10/3/2023

    Première à lire ce livre que vous avez laissé au bat I alors que je suis au H????.Je l'ai lu avec beaucoup de plaisir .Dommage certaines fautes d'orthographe et de grammaire. Ça doit être dû à la relecture un peu rapide .sinon vous m'avez donné envie de lire vos autres œuvres.Merci . PS : J'ai essayé d'envoyer un message sur la boîte mail mais chaque fois on me signalait un site dangereux....

  • Annie dit :
    14/4/2016

    encore une histoire captivante. Bravo mon gars, continue !!!!!! et merci pour les bons livres !

  • Annie dit :
    24/12/2015

    c'est captivant, on ne se lasse pas de le lire.
    on en voudrait plus encore !

  • Annie dit :
    23/12/2015

    Je croyais qu'il y en avait encore à lire, ce livre est très passionnant. Cette histoire me plaît énormément. Bravo ! il en faut d'autres comme ça. Merci

  • Annie dit :
    23/12/2015

    c'est beau ce roman, je ne m'arrête pas de le lire.




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